Le Monde de Nénait'

Le Monde de Nénait'

Pierre Rabhi - Vers la sobriété heureuse

- "Dans le microcosme de notre vie quotidienne, nous pouvons tous constater les restrictions et les dépendances toujours accrues que nous impose la vie moderne."

 

- "Cet univers quasi carcéral atteint son apothéose avec la prolifération des clés, serrures, codes d'entrée, caméras de surveillance, etc. Un tel climat de prévention, de suspicion ne peut évidemment produire que des toxines sociales exacerbant un sentiment d'insécurité, en créant de véritables barricades, intérieures et extérieures."

 

- "La modernité, dans son principe premier et ses intentions originelles, aurait pu, en s'appuyant sur la révolution industrielle, être une chance pour l'humanité. Mais elle a commis une erreur fatale,dont nous commençons seulement à mesurer les conséquences désastreuses avec la grande crise d'aujourd'hui : elle a subordonné le destin collectif, la beauté et la noblesse de la planète Terre dans sa globalité à la vulgarité de la finance. Dès lors, le sort en a été jeté. Tout ce qui n'a pas un prix n'a pas de valeur. L'argent, invention destinée à rationaliser le troc, noble représentation de l'effort, de l'imagination, de la créativité, de la matière utile à la vie, a été dénaturé par celui que l'on "gagne en dormant"."

 

- "Bien éloigné de la réalité élémentaire, fondée sur la survie et la perpétuation de l'espèce, l'être humain est pris au piège de ses fantasmes. Il donne à des métaux ou à des pierreries une valeur symbolique exorbitante et en fait des objets d'enrichissement pour ceux qui en possèdent. Voyant déferler les hordes de conquérants européens en quête frénétique d'or, source de violences et de meurtres, certains Peaux-Rouges croyaient véritablement que ce métal rendait fou, et se gardaient bien d'y toucher pour ne pas être atteints par la démence qu'il provoque. Je suis souvent émerveillé par la puissante capacité qu'a la candeur à mettre en évidence des vérités profondes. Oui, l'or a rendu l'humanité folle. Et c'est un crève-cœur que de constater le pouvoir subliminal de ce qui après tout n'est qu'un métal."

 

- "Faire envie est un élément important dans le processus de la mimétique mis en œuvre afin de stimuler le désir. Mais il est parfois des désirs inaccessibles, faute des moyens nécessaires pour les combler. Cela engendre des frustrations, mais peut aussi puissamment stimuler la volonté de les acquérir, ce qui bénéficie à la dynamique de l'immodération. Comparaison et mimétisme deviennent alors des facteurs de souffrance, tandis qu'un esprit de modération peut triompher de l'envie et instaurer en nous un bien-être profond, que l'objet de notre convoitise ne eut nous offrir."

 

- "Ces peuples qui étaient autonomes seront conditionnés à travailler pour produire des denrées exportables, au détriment de leur propre survie alimentaire. C'est ainsi qu'ils participeront à faire "rentrer" des devises, sous prétexte de la modernisation de leur pays. Ils doivent utiliser des apports chimiques pour être performants ; mais ces apports se fabriquent avec du pétrole, matière qu'ils ne produisent pas et qui coûte cher. Les voici donc soumis à la loi du marché, précipités dans l'arène, où règnent les règles implacables de la concurrence : ils seront toujours perdants. La misère s'installe et pousse à l'émigration."

 

- "Récit d'un ami laotien d'une cinquantaine d'années" : "Un jour, un expert mandaté par la banque mondiale séjourna parmi nous pour étudier notre système de vie ; après avoir examiné tous les paramètres, il fit son rapport. Ce rapport, destiné, donc, à la Banque mondiale, avait pour conclusion que cette communauté, certes sympathique, ne pouvait se développer parce qu'elle consacrait trop de temps à des activités improductives."

 

UNE PÉDAGOGIE DE L’ÊTRE

 

- " Trêve d'hypocrisie : ce que tout le monde appelle "éducation" est une machine à créer des soldats de la pseudo-économie, et non de futurs êtres humains accomplis, capables de penser, de critiquer, de créer, de maîtriser et de gérer leurs émotions, ainsi que de ce que nous appelons spiritualité ; "éduquer" peut alors se résumer à déformer pour formater et rendre conforme."

 

- "L'équation qui a prévalu, en particulier lors des Trente Glorieuses, selon laquelle faire de bonnes études donnait une qualification garante d'un salaire ne fonctionne plus dans la société de la croissance illimitée."

 

- " Dans le nouveau paradigme, il faut être en priorité attentif à l'enfant, en développant une pédagogie de l'être qui permette avant toute chose de le faire naître à lui-même, c'est-à-dire à révéler sa personnalité unique, ses talents propres, pour répondre à la vocation que lui inspire sa présence au monde et à la société. C'est le doter d'une cohérence intérieure qui lui donnera le sentiment d'être à sa véritable place dans la diversité du monde. Pour que cette naissance à soi-même advienne réellement, il est indispensable d'abolir ce terrible climat de compétition qui donne l'impression à l'enfant que le monde est une arène, physique et psychique, produisant l'angoisse d'échouer au détriment de l'enthousiasme d'apprendre."

 

- "L'éducation doit restaurer la complémentarité des aptitudes. Les établissements éducatifs devraient tous proposer de la terre à cultiver, des ateliers d'initiation manuelle, artistique... Des jardins biologiques permettraient de faire l'expérience tangible des lois intangibles du vivant : la fécondité de la terre, sa générosité à nous offrir les aliments qui nous font vivre, le mystère et la beauté des phénomènes qui régissent l'immense complexité de ce que nous appelons écologie."

 

- "Or, l'organisation de la société est fondée sur un Homo economicus considéré comme entité productive et consommatrice, les deux bielles du moteur de la pseudo-économie. Dans ce cas, vieillir n'est pas s'accomplir, fructifier et transmettre avant de s'éteindre, mais déchoir avant de disparaître."

 

Annexes

 

- "Une autre éducation

Nous souhaitons de toute notre raison et de tout notre cœur une éducation qui ne se fonde pas sur l'angoisse de l'échec mais sur l'enthousiasme d'apprendre. Qui abolisse le "chacun pour soi" pour exalter la puissance de la solidarité et de la complémentarité. Qui mette les talents de chacun au service de tous. Une éducation qui équilibre l'ouverture de l'esprit aux connaissances abstraites avec l'intelligence des mains et la créativité concrète. Qui relie l'enfant à la nature, à laquelle il doit et devra toujours sa survie, et qui l'éveille à la beauté, et à sa responsabilité à l'égard de la vie. Car tout cela est essentiel à l'élévation de sa conscience..."

 

 

 



07/12/2014
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 4 autres membres